Rédacteur en chef Dr. Ezzat Elgammal écrit :Le Sénégal et Paris… d’un héritage colonial vers un partenariat de réussite

Depuis son indépendance en 1960, le Sénégal est resté le partenaire privilégié de la France en matière de politique, d’économie et de défense, comme si Dakar n’avait jamais totalement échappé à la « tutelle coloniale ». Mais avec l’arrivée au pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye, les lignes semblent bouger : il s’agit désormais d’un partenariat équilibré, fondé sur la réussite commune et non plus sur la dépendance, sur l’intérêt mutuel et non sur les injonctions d’en haut.
La mémoire coloniale… une blessure ouverte
Il est impossible d’évoquer la relation franco-sénégalaise sans revenir sur le passé. Dès le XIXᵉ siècle, Dakar est devenue une base stratégique de l’empire français en Afrique de l’Ouest. Pendant les deux guerres mondiales, des milliers de Sénégalais ont été enrôlés pour défendre la « mère patrie ». Pourtant, leur récompense fut l’oubli, la marginalisation, voire le massacre.
Le drame de Thiaroye (1944) en reste l’exemple le plus marquant : des dizaines, peut-être des centaines de tirailleurs sénégalais furent abattus par l’armée française après leur retour du front. Cet épisode demeure une cicatrice dans la mémoire nationale. L’aveu de responsabilité formulé récemment par Emmanuel Macron est une étape importante, mais la réconciliation ne pourra être complète qu’avec l’ouverture totale des archives coloniales.

Paris face à une Afrique nouvelle
Le repositionnement de Dakar ne peut être dissocié du contexte africain global. Ces dernières années, la France a perdu des bastions clés au Mali, au Burkina Faso et au Niger, dans un climat de rejet populaire et politique de sa présence militaire. Le retrait du Sénégal, en juillet 2024, s’inscrit dans cette dynamique et envoie un signal clair : l’Afrique ne veut plus de tutelle, mais de véritables partenaires.
La force de l’économie et des ressources énergétiques
Le Sénégal d’aujourd’hui n’est plus un pays uniquement demandeur d’aide. Depuis le début de l’exploitation du gaz et du pétrole en 2024, il s’impose comme un acteur énergétique et attire les convoitises internationales.
Le président Faye en est conscient : il ne réduit pas l’horizon du pays à Paris, mais diversifie les partenariats avec les États-Unis, la Chine, la Turquie et le Golfe. Lors de sa rencontre avec Donald Trump à Washington, il a invité les entreprises américaines à investir dans l’énergie, adressant ainsi un message limpide à la France : désormais, c’est à vous de prouver votre valeur comme partenaire compétitif.
Sécurité et défense… la fin d’un monopole
Longtemps, la France a été le garant principal de la sécurité sénégalaise, via ses bases militaires et sa coopération stratégique. Mais le départ des troupes ouvre une nouvelle ère : avec qui Dakar va-t-elle renforcer ses capacités de défense ? Les signaux indiquent une diversification vers Washington, Ankara, voire Moscou. La France n’est plus l’acteur unique dans le domaine sécuritaire ouest-africain.
Culture et identité : l’autre champ de bataille
Plus de soixante ans après l’indépendance, la langue française reste officielle au Sénégal, ce qui constitue un atout symbolique pour Paris. Mais de nouvelles voix, surtout parmi les jeunes générations, plaident pour s’émanciper de la « francophonie politique » au profit d’une identité africaine plus affirmée. Derrière le choix linguistique se joue une bataille culturelle qui pèse lourdement sur la relation bilatérale.

Entre passé et avenir
Aujourd’hui, la relation entre Paris et Dakar est à la croisée des chemins : soit elle devient un modèle de coopération fondée sur le respect et les intérêts partagés, soit elle demeure prisonnière d’un héritage colonial et d’une logique d’hégémonie. La France doit repenser son rôle : se présenter comme un allié pour le développement et l’investissement, et non plus comme une puissance tutélaire militaire ou financière.
Conclusion
Le Sénégal ne cherche pas la rupture avec Paris, mais refuse de rester un simple terrain d’influence. Le gouvernement de Bassirou Diomaye Faye propose une équation claire : nous sommes prêts à coopérer, mais selon nos propres termes. Dans l’Afrique du XXIᵉ siècle, la France n’a d’autre choix que d’accepter cette équation si elle veut préserver sa place en Afrique de l’Ouest.
