Rédacteur en chef Dr. Ezzat Elgammal écrit: La Turquie et Israël… un affrontement imminent qui menace le Moyen-Orient

Il y a seize ans, à Davos, Recep Tayyip Erdoğan s’est levé face à Shimon Peres pour le réprimander sur les massacres commis par l’occupation israélienne à Gaza en 2008. Ce jour-là, le Premier ministre turc est retourné dans son pays pour trouver des dizaines de milliers de personnes à l’aéroport Atatürk l’accueillant comme un héros. Ce moment a fait de lui une icône et a élevé la stature de la Turquie aux yeux des peuples islamiques. Aujourd’hui, en 2025, les équilibres ont changé : l’aéroport Atatürk est devenu l’aéroport d’Istanbul, Gaza subit un génocide, et le conflit régional a pris une ampleur encore plus grave. Mais l’esprit de Davos et le courage exprimé à l’époque restent vivants, reflétant la détermination de la Turquie à faire face à l’occupation.
Après une longue attente, la Turquie a finalement annoncé la rupture de ses relations économiques, commerciales et diplomatiques avec Israël, tout en fermant entièrement son espace aérien aux avions israéliens. Cette décision historique n’est pas un simple geste protocolaire, mais une escalade réelle reflétant une position islamique et stratégique forte. Une mesure attendue depuis longtemps par le monde musulman depuis la dernière guerre de Gaza du 7 octobre, montrant que la Turquie n’est plus un observateur passif, mais un acteur clé capable d’imposer sa volonté sur la scène régionale.

Depuis l’effondrement du régime d’Assad, une compétition féroce a éclaté entre Ankara et Tel-Aviv pour l’influence en Syrie. La Turquie a soutenu le nouveau régime, cherchant à rétablir la stabilité et protéger ses frontières sud, tandis qu’Israël a profité du vide pour diviser la Syrie et la maintenir affaiblie. Israël ne voit pas en la Turquie un simple rival régional, mais le fantôme du sultanat ottoman qui réapparaît à travers les mouvements d’Ankara en Syrie, en Libye, au Soudan, en Ukraine et en Azerbaïdjan.
Les rapports israéliens, notamment celui du journal Maariv en juillet, ont averti qu’un affrontement destructeur avec la Turquie moderne pourrait survenir bientôt. Tel-Aviv a augmenté son budget de défense à 15 milliards de shekels par an, se préparant à faire face à l’armée turque, l’une des plus puissantes de l’OTAN. Les États-Unis, quant à eux, semblent pencher du côté d’Ankara, refusant toute intervention militaire directe en Syrie, ce qui a bouleversé l’équilibre des forces et accru les risques d’un conflit ouvert.

Mais il ne s’agit pas seulement de calculs militaires. La Turquie a réussi ces dernières années à renforcer son influence régionale : d’Idlib à Damas, de la Libye au Soudan, en Ukraine et en Azerbaïdjan. Ankara a noué de nouvelles alliances et imposé sa présence sur le terrain, tandis qu’Israël tente d’exploiter toute faiblesse turque pour diviser la Syrie et étendre son influence sur le territoire et les ressources, profitant du chaos et des défis régionaux.
Dans ce contexte, on ne peut examiner les guerres à Gaza ou en Cisjordanie sans tenir compte des enjeux régionaux. Le récent génocide à Gaza et ses milliers de victimes ont compliqué le conflit palestinien, mais ont également mis en évidence le besoin d’un acteur fort capable de faire face à l’occupation, rôle que la Turquie tente d’assumer.
C’est ici qu’émerge la question qui doit être posée directement au président Erdoğan : Lors des élections turques, tous les peuples musulmans étaient à vos côtés, priant pour votre victoire. Pourquoi trahissez-vous aujourd’hui ces peuples, sachant qu’aucun roi ou dirigeant arabe n’existe sans être un agent d’Israël ? Pourquoi ne rassemblez-vous pas tous les musulmans autour de vous pour affronter l’occupation et protéger leurs droits ?
Aujourd’hui, Israël ne se limite pas à Gaza ou à la Cisjordanie, mais cherche à contrôler la Syrie, le Liban et la Jordanie, menaçant l’influence turque partout. Les guerres précédentes à Gaza et les mouvements israéliens en Syrie et au Liban n’ont pas affaibli la volonté turque, mais ont montré l’importance d’Ankara comme acteur capable de protéger ses intérêts et ceux de ses alliés.
La Turquie, avec ses relations complexes avec l’Iran et la Russie et son influence croissante en Libye, au Soudan, en Ukraine et en Azerbaïdjan, est en position de redéfinir les règles du jeu régional. Mais elle fait face à une véritable menace israélienne qui ne cesse de diviser la Syrie en régions ethniques et religieuses : kurde au nord et à l’est, druze au sud, alaouite sur la côte, renforçant ainsi son influence et limitant le rôle principal de la Turquie.

Les rapports israéliens considèrent la Turquie comme un adversaire pludangereux que l’Iran et affirment que tout conflit potentiel ne se limiterait pas aux frontières mais pourrait embraser toute la région. Les États-Unis, malgré leur soutien apparent à Ankara, n’ont fourni aucune garantie suffisante, augmentant les risques d’un affrontement direct.
L’histoire, la politique et la puissance militaire se rejoignent aujourd’hui dans une seule équation : soit la Turquie devient une force dissuasive et rassemble les musulmans autour d’elle pour affronter l’occupation, soit elle permet à Israël d’étendre son influence, transformant les anciennes cartes en un nouvel itinéraire de chaos et de guerres confessionnelles et régionales. Le conflit n’est plus hypothétique, mais une probabilité tangible, et tous les indicateurs suggèrent que les prochains jours pourraient voir une escalade sans précédent qui changera à jamais l’équilibre des forces au Moyen-Orient.
